CHLORAETHYL et PROTOXIDE D’AZOTE – N2O

Manuel à l’usage des Urgentistes
Documentation toxicologique, pharmacocinétique, et de PEC première urgence avec risque létal dans le cadre d’un usage « récréatif »

Un lexique est disponible au bas de cette page.
Et tu pourras toujours tenter de « tester » les connaissances de ceux qui veulent t’initier à l’usage du chloraethyl et du protoxyde d’azote avant de savoir si tu peux passer à l’acte avec eux sans risque… et là : navré, mais c’est pas gagné d’avance !  Plus de 99,9% des mecs qui veulent te « gazer » sont simplement des meurtriers en puissance ou par procuration… car en cas de « pépin », il ne faut pas rêver : les médecins urgentistes n’auront plus grand chose à faire.


Chloraethyl « Dr Hennings »

Caractéristiques physico-chimiques
Chloroéthane ou monochloroéthane,
anciennement chlorure éthylique (ou chlorure d’éthyle…)
Formule chimique brute: C2H5Cl
T°Fus: -138°C; T°Ebu: 12,5°C -> Fluide frigorigène
Gaz incolore, inflammable, odeur légère et douce
Seuil odorat (Homme): bas 4,2 ppm

Usages et action pharmacologique
Analgésie/Anesthésiologie
Anesthésie locale
Anesthésie générale abandonnée en raison de la toxicité aiguë et chronique
Usage récréatif  : Narcotique non inscrit au tableau des stupéfiants, très fortement addictif !!!

Pharmacologie
En tant qu’anesthésique local
Blocage de la conduction nerveuse des fibres motrices et sensitives par inhibition des canaux sodiques voltage dépendants.

Usage récréatif
Procède des effets secondaires suite à l’inhalation sous faible pO2.
Modèle «type ivresse alcoolique aiguë»: incoordination motrice, détente, euphorie, perte des repères temporels, narcose.
Très fortement addictif !!!

Pharmacocinétique
Absorption: rapide et massive au niveau alvéolaire
Distribution: ensemble des compartiments (rapide passage vasculaire, cibles (SNC, coeur, foie)
Métabolisation : pas de métabolites connus
Excrétion: sous forme inchangée dans l’air expiré, présence dans les urines, les selles et la sueur

Toxicité aiguë et chronique
Organes cibles: SNC, système cardiovasculaire, poumons, foie et reins
Toxicité aiguë: DA immédiat/rémanence courte (<4min)
État d’ébriété, vertiges, léthargie, perte de contrôle moteur jusqu’à mouvements épileptoïdes, perte des repères temporels, maux de tête, douleurs abdominales, narcose.
Irritation pharyngienne et trachéo-bronchique
Trouble du rythme cardiaque jusqu’à la fibrillation ventriculaire et ACR (attention chez le patient connu pour arythmie cardiaque

Toxicité chronique
Peu documentée
Prédominance de la clinique niveau neurologique: Ataxie, trémors, dysphasie, ralentissement des réflexes, mouvements oculaires involontaires, hallucinations.
Défaillances viscérales notamment hépatique et rénale en cas d’inhalation importante sur plusieurs mois
Non certaine pour la mutagenèse/cancérogenèse: cas de dysplasies hépatiques et utérines sur modèle animal

Clinique PEC
Extraire le patient de l’atmosphère contaminée, LVA+PLS si inconscient.
Contacter les urgences commencer et en même temps commencer la RCP (MCE et si possible DEA)
Monitoring TA, Pouls, FR, T°, SaO2, cyanose, TRC (interêt d’avoir le matériel sur place en cas d’usage récréatif: tensiomètre, saturomètre voire DEA à proximité…)
Pour info: Intoxication massive -> RCP classique avec VA O2 15L au BAVU ou IT, DZP, Xylo, monitoring, bilan neuro, bio..


Protoxyde d’azote – N2O

Propriétés physico-chimiques
En pratique MEOPA= Mélange équimoléculaire d’O2 et de N2O en bouteilles de 15 ou 20L sous une pression de 170 bars. Le mélange pour l’anesthésie générale contiennent minimum 21% d’O2.
Communément appelé «gaz hilarant»
Kalinox* délivre par exemple sous 1 bar à 15°C: 1,5m3 pour 5L, 4,5m3 pour 15L…
Gaz incolore, discrète odeur douceâtre, gaz à effet de serre
T°Eb: -89°C

Usages
Analgésie non opiacée au cours de l’aide médicale d’urgence, analgésie avant actes douloureux (EVA modérée de 4-6)
Pas d’effet anesthésiant pour la MEOPA
Usage récréatif

Pharmacologie
Analgésie non opiacée. Ne se lie pas aux récepteurs opioïdes.
Effet analgésique majeur équivalent à 15mg de morphine en IM
DA: 3min
Mécanisme d’action: induction de production de peptide opioïde
->activation de neurones noradrénergiques
->modulation des voies nociceptives au niveau médullaire=analgésie
Autres hypothèses: implications des récepteurs à dopamine, β2 adrénergiques, récepteurs GABA, récepteurs NDMA mais mécanisme d’action encore inconnu.

Pharmacocinétique
Absorption: transalveolaire, rapide mais incomplète (gradient de concentration alvéole/sang faible)
Distribution: large en raison de la liposolubilité
Métabolisation: marginale au niveau hépato-rénal, réduction en N2 par les bactéries de l’intestin.
Excrétion: grande partie directement dans l’air expiré. Petite excrétion urinaire et cutanée.

Toxicité aigüe
En aigu, en grande partie l’usage récréatif: le N2O est un psychodysleptique entraînant euphorie, désinhibition, somnolence, s’accompagnant de céphalées puis altération de l’état de conscience avec amnésie
Dyspnée et asphyxie (prend la place de l’O2->hypoxie donc surveiller la SaO2, FiO2). En pratique rare car MEOPA contient 50% O2 (21% pour les mélanges pour anesthésie).
Augmentation de la PIC
Raucité de la voix (inverse de l’hélium )
Spasmes
Hypersialorrhée
À forte dose, le N2O se comporte comme un narcotique avec un effet anesthésique central (il faut 80% de gaz pur dans la fraction inspirée). Prodromes: nausées et vomissements, vertiges, hypoxie (SaO2!), hallucinations.
► Potentiellement : sclérose de la moelle épinière, entrainant un paralysie irréversible (paraplégie, tétraplégie, hémiplégie…).

Toxicité chronique = Myélotoxicité et neurotoxicité
Carence en vitamine B12 par inhibition enzymatique au niveau hépatique (méthionine synthase)-> anémie macrocytaire et atteintes neurologiques classiques des carences profondes en B12 (troubles l’équilibre, paresthésie puis polynévrite spastisque). Donc dosage la vitamine B12 et éventuellement supplémentation orale lors des usages chroniques à forte dose.

Les contre indications absolues
Patients nécessitant une VA à 100% en O2
HTIC
Altération de la conscience empêchant la coopération su sujet
Pneumothorax, emphysème, embolie gazeuse, accident de plongée
Distension abdominale gazeuse
Attention aux patients drépanocytaires: O2 avant toute administration de N2O quelque soit la concentration


Et peu importe le gaz utilisé

  • On respecte les consignes de sécurité sur le contenant
  • On ventile les locaux
  • On porte un masque filtrant l’air inspiré
  • En cas d’altération de l’état du sujet, on l’extrait du lieu avant toute intervention.

Abréviations

ppm : partie par million

pO2 : pression partielle en O2 d’un milieu

SNC : système nerveux central

DA : délai d’action

ACR : arrêt cardiorespiratoire

LVA : libération des voies aériennes

PLS : position latérale de sécurité

RCP : réanimation cardio-pulmonaire

MCE : massage cardiaque externe

DAE : défibrillateur cardiaque externe

TA : Tension artérielle

FR : fréquence respiratoire

SaO2 : saturation en O2

TRC : temps de recoloration cutanée

EVA : Échelle visuelle analogique de la douleur

IM : intramusculaire

PIC : pression intracrânienne

HTIC : hypertension intracrânienne

VA : ventilation assistée

 


Un immense merci à mon pote Jean-Philippe, docteur en médecine, pharmacocinéticicien et toxicologue, pour cette synthèse UNIQUE SUR LE WEB d’information sur ces substances excessivement dangereuses que sont le CHLORAETHYL et le PROTOXYDE D’AZOTE – N2O !!!